Le recrutement des Harkis
Le recours à des supplétifs est une pratique historiquement répandue dans le cadre des conflits armés. Il permet aux Français de mener la conquête de nouveaux territoires.
Leur histoire prend racine aux débuts de la période coloniale. Dès 1830, un mouvement des autochtones émerge et des troupes algériennes combattent aux côtés des Français.


...Goumiers algériens pendant la Première Guerre mondiale © Agence Rol / BNF
Ainsi, les premiers autochtones rejoignent l'armée française soit comme supplétifs, soit au sein de l'armée régulière. Ils sont majoritairement issus des territoires ruraux.


Prisonniers allemands escortés de cavaliers algériens © Agence Rol / BNF
Les Harkis pendant la guerre d’Algérie
La guerre d’Algérie commence au lendemain de l’insurrection du 1er novembre 1954 organisée par le Front de libération nationale (FLN) et son bras armé l’Armée de libération nationale (ALN).
Pour renforcer son armée, la France procède de nouveau au recrutement de supplétifs. L’objectif est d’endiguer la baisse drastique des effectifs due à la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) et à la guerre d’Indochine (1946-1954).


Recrutement des harkis à Palestro, région d’Alger, septembre 1959. © Ecpad/Berges
Ces supplétifs sont un atout pour l’armée française qui bénéficie de leurs connaissances fines du terrain et plus largement des régions du Maghreb. Elle peut ainsi parfaire sa stratégie militaire. L’armée s’appuie également sur ces auxiliaires arabophones et berbérophones pour faciliter ses relations avec les populations locales.


ALG 56-286 R63 © Photographe inconnu / ECPAD / Défense
L’armée française constitue alors des harkas dont l’existence sera officialisée en février 1956.
Les harkas, dérivé de l’arabe حركة (harka), qui signifie mouvement, sont des unités mobiles réparties sur tout le territoire. Elles sont chargées de participer aux opérations de maintien de l’ordre et constituent le principal appui de l’armée française en Algérie.
Les harkas constituent les seules unités supplétives à vocation offensive durant le conflit. Elles ne disposent d’aucune autonomie opérationnelle et sont systématiquement rattachées à une unité régulière de l’armée française qui en assure l’encadrement.
De 1959 à 1961, l’armée française organise les forces supplétives pour quadriller le territoire et protéger les populations rurales.
En février 1961, le nombre de français musulmans rangés du côté de l’armée française est estimé à environ 250 000 personnes. Ils sont répartis entre :
- L’armée régulière : 217 000 personnes dont 65 600 appelés du contingent et engagés et dans les formations supplétives : 57 000 Harkis, 9 100 GMS, 19 450 Moghaznis et 65 850 gardes d’autodéfense. Ces derniers sont répartis en 2 107 groupes mais seuls 29 270 sont armés.
- La vie politique et l’administration : 33 000 personnes dont un ministre, un préfet et plusieurs sous-préfets, 22 sénateurs, 46 députés, 350 conseillers généraux, 11 550 conseillers municipaux, 20 000 fonctionnaires.
Source : Service historique de la Défense (SHD) 1 H 2538.
En dépit de l’ambition initiale d’embaucher des Harkis à condition qu’ils n’effectuent que des missions d’appui et de protection, les supplétifs participent aux opérations de combat, notamment au sein de commandos de chasse. Les Harkis sont les supplétifs qui connaissent le plus de pertes humaines durant le conflit avec plus de 1 800 hommes tués.
Les Français ont le droit de savoir qu'en Algérie de nombreux musulmans - qui n'avaient pas été insensibles aux espérances des nationalistes - ont été en revanche révoltés par la terreur que ceux-ci faisaient régner dans les villes et les villages, égorgeant ceux qui refusaient de les rejoindre ou de payer l'impôt, brûlant les écoles ou détruisant les routes. C'est cette violence sanguinaire qui, souvent, a poussé les villageois à demander la protection de l'armée et à s'engager dans les groupements d'autodéfense, les groupes mobiles de sécurité, les maghzens, les harkas ou les unités régulières : tirailleurs, spahis, etc...
Mémoire et vérité des combattants d'Afrique du Nord, Collectif, éd. l'Harmatan, 2001, p. 151
Les raisons de l’engagement des Harkis dans la Guerre d’Algérie
Par définition, l’appartenance à une force supplétive permet aux Français musulmans de bénéficier de la protection de l’armée française.
Si certains Harkis s’engagent comme supplétifs par tradition familiale ou attachement à la France, cette attitude est loin d’être systématique.
Pour d'autres Harkis, l’engagement aux côtés de la France est motivé par la nécessité, voire la contrainte. Il répond à des logiques familiales, locales ou encore économiques. Les principaux facteurs d’engagement sont les suivants :
le refus du Front de libération nationale (FLN) et de ses violences ;
la réplique aux exactions de l’Armée de libération nationale (ALN) ;
l’impossibilité de rester neutre ;
l’engagement collectif d’un clan ou d’un village du côté de la France ;
la solde proposée par l’armée française ;
l’enrôlement.